Choisir la vie. Choisir la mort. Réflexion (sur un coin de table) sur l'aide médicale à mourir.6/7/2022
Il y a toujours eu quelque chose de très mystique, pour moi, avec la mort. Je ne sais pas encore trop où je me situe face à "l'après-vie", où on va, ce qu'on devient et à quoi ça rime tout ça. J'ai tendance, intuitivement, à croire qu'on se désagrège en millions de milliers de milliards de particules d'âme qui sont recaptées dans un peu tout ce qui existe, nous permettant de réintégrer, en infimes parties, mais en totalité, le cercle de la construction et de la matérialisation. Cette inspiration intuitive de l'après-vie, me rappelle qu'en nous, dans chacune de nos couches, dans chacune de nos facettes, de nos cellules, de nos connexions électriques, de nos expansions ou contractions énergétiques, dans tout ce qui nous compose, on porte l'univers. Et l'univers, lui, nous réintègre à chaque mort, à chaque fin de cycle, à chaque fois que l'on se délaisse d'une partie de nous, jusqu'à laisser aller complètement notre corps, notre vaisseau, notre enveloppe, ce qui nous permet de vivre la vie comme on la connait et ce qui, peut-être, nous distingue de d'autres formes d'existences. Jusqu'à il y a de ça quelques mois, je n'avais pas envisagé qu'on puisse mettre fin à ces jours même si on était heureux. Je n'avais jamais vraiment pensé à la mort comme quelque chose qui se planifie, outre le suicide, du moins. Et je ne vais pas bull shitter personne ici, le suicide, selon moi, n'a rien d'une fin heureuse. Et quand on en vient à cette solution (et j'y ai pensé plus d'une fois dans ma courte vie) c'est qu'on a été laisser à soi-même quelque part. C'est que collectivement on a pas réparé les failles. C'est que collectivement on a échoué à écouter, à soigner, à guérir, à prendre soin. Penser la mort, sa propre mort, la voir se déballer, accompagner son processus, choisir quand, pourquoi, comment, où, et ce, lorsque la vie est encore belle, c'est quelque chose qui n'avait pas effleurer mon esprit. Mais on vieillit. Et avec le fait de vieillir, vient cette proximité de ceux et celles qui vieillissent aussi. Des ces gens qui nous sont chers, qui font leurs derniers miles, affrontent leurs dernières batailles, qui s'approchent, plus rapidement que nous, de cette fin inévitable, mystérieuse, et pour certain.e.s, libératrice. C'est à l'heure actuelle un grand débat de société, l'aide médicale à mourir (AMM). Un grand débat très important. Un complexe. Un qui demande de philosopher longtemps. Mais un qui demande surtout d'écouter, de faire confiance, de prendre en compte l'unicité de chaque personne, ses besoins, son bagage, ses peurs, ses aspirations. Décentraliser la pensée. Décentraliser le contrôle. Décentraliser les décisions. C'est de ça, dont on a besoin, je crois. On ne choisit pas de mourir "pour le fun" (ou du moins, ceci ne doit pas être une idée très répandue). On ne choisit pas non plus de quitter tous ceux qu'on aime comme on choisit de prendre des vacances. Fort Lauderdale c'est bien beau, mais on en revient ! La mort, c'est le dernier voyage. Sans retour. Ou du moins, sans retour avec les siens. Récemment, ma grand-maman a eu recourt à l'AMM. Elle était malade. Son coeur était gonflé d'amour, mais son corps souffrait. D'ici peu, mon beau-papa recevra l'AMM. Il est malade. Il oublie. Son corps ne souffre pas, mais il veut partir avant de ne plus se souvenir.
Quand on s'attends à ce que quelqu'un meurt de vieillesse, on prends malheureusement trop souvent, et sans trop s'en rendre compte, pour acquis ce qui est éphémère. On a encore plein de vie devant nous ! Pourquoi s'arrêter maintenant ? La notion de temps devient plus difficile à chiffrer et, du coup, l'agenda ne se remplit pas aussi vite qu'il le devrait de ces moments qui sont pourtant les plus importants. Quand on sait qu'il ne nous reste que quelques semaines. On fait du tri. On choisi. On ressent l'urgence. C'est maintenant ou jamais. Ça fait mal. Mais au moins on est conscients. C'est maintenant ou jamais.
Alors on est prêt à tout bousculer. On reporte les trucs qui sont, on s'en rends alors bien compte, moins significatifs sur notre réel bonheur. Parce que notre réel bonheur, en bout de ligne, ne tient pas à grand chose. Notre réel bonheur est supporté par une corde, la plus solide, mais la seule. Celle de l'amour. Celle qui nous rappelle à notre essentiel. Celle qui nous invite à sortir de nos rythmes fous, pour retrouver la paix et la douceur de la simplicité. De ces petits échanges, sans fioritures, qui donnent tous son sens à notre vie. C'est maintenant ou jamais. Quand ma grand-maman a choisi que c'était maintenant, ce qu'elle savait c'était que poursuivre son chemin dans son corps impliquait une souffrance qui deviendrait de moins en moins soutenable. Cette souffrance, elle affectait déjà sa capacité à aimer sa vie. Partir dans l'amour. C'était son souhait. C'est maintenant ou jamais. Quand mon beau-papa a choisi que c'était maintenant, ce qu'il savait c'était que poursuivre son chemin dans sa tête impliquait de ne plus pouvoir connecter avec l'amour en lui et autour de lui. Partir dans l'amour. C'est son souhait. C'est maintenant ou jamais. Quand ma grand-maman et quand mon beau-papa m'ont, chacun leur tour, annoncé leur mort, ce que je savais, c'est que je souhaitais célébrer leur vie et tout l'amour qu'ils y avaient semé. C'est encore mon souhait. C'est maintenant ou jamais. Quand j'ai choisi d'écrire ce texte, je savais que je voulais partager une expérience pour que d'autres personnes, vivant une situation similaire, puissent ressentir qu'elle.s ne sont pas seules et qu'elles ont, elles aussi, la chance de faire ce souhait : vivre, accompagner, mourir, dans l'amour. C'est maintenant ou jamais. Quand j'ai choisi par le passé de rester ici, dans mon corps, dans mon vaisseau, c'est que je savais que l'amour n'avait pas dit son dernier mot. J'ai été chanceuse, bien entourée, de ma grand-maman, parmi d'autres, me partageant son souhait, qui est aussi devenu le mien : vivre, accompagner, mourir, dans l'amour. L'amour peut prendre tout plein de formes, de couleurs, de trajectoires. Mais dans son essence, il reste le même. Un état. Intangible. Immense. Enveloppant. Lorsque l'on fait le choix de vivre, maintenant, pleinement, qu'on laisse l'amour, et rien d'autre, devenir notre moteur, qu'on met les freins sur tout ce qui ne nous nourri pas sincèrement, et qu'on plante le pied à fond sur l'accélérateur pour aller vers ce qui est beau et grand et qui a une réelle valeur, alors là, je crois, que le temps, d'une certaine manière, se fige, sans se rigidifier, pour nous offrir un espace où il n'y a ni début ni fin. |
BIENVENUE DANS MA TÊTE... MAIS AUSSI DANS MON COEUR ! Je te partage ici ce qui se trame dans mon coco autant que ce qui fait vibrer mon coeur. Bonne (s) lecture(s) !
AuteureMarie-Pier Leclerc Archives
Mars 2023
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